Voici l’homélie de ce dimanche. St Paul nous révèle l’amour comme chemin de perfection, Jésus nous rappelle que sans la foi, rien n’est possible et Jérémie nous montre que nous sommes aimés de Dieu dès avant notre conception. Voilà bien des éléments pour nous permettre d’aller à la vie.
l’homélie audio: => l’amour comme règle de vie
et voici en version écrite l’homélie de notre diacre AS
4ème dimanche ordinaire C
Depuis le début du temps ordinaire, nous poursuivons la lecture de la 1ère lettre de Saint Paul aux Corinthiens.
Quelle beauté, quelle richesse, quelle joie dans cette succession de versets.
Rappelez-vous : Il y a 15 jours, Paul nous parlait de la multitude des dons de l’Esprit : « Les dons de la grâce sont variés, mais c’est le même Esprit. Les services sont variés, mais c’est le même Seigneur. Les activités sont variées, mais c’est le même Dieu qui agit en tout et en tous ». « L’Esprit distribue ses dons comme il le veut, à chacun en particulier ».
Dimanche dernier, Saint Paul continuait en nous rappelant que ce « chacun en particulier », c’est nous. C’est chacun de nous. Il faisait la comparaison avec le corps humain pour nous montrer que chacun à notre place, avec nos divers talents, nous faisons tous partie du Corps du Christ : « Vous êtes corps du Christ et chacun pour votre part, vous êtes membre de ce corps ».
Paul, aujourd’hui, nous invite à rechercher les dons, les charismes, les plus grands ! Oui, les plus grands, pour servir au mieux l’ensemble du corps de l’Eglise, selon ce que Dieu demande à chacun. Est-ce que je demande à l’Esprit Saint quelle est ma part dans ces dons ? Suis-je prêt à demander les dons les plus grands ? Serait-ce de l’orgueil ? Non, car ces dons les plus grands, c’est la charité, l’amour, et c’est le chemin par excellence de la vie en Eglise. L’amour est le lien qui harmonise entre eux les divers dons de chacun.
Le mot amour (ou charité, selon les traductions) est répété une dizaine de fois dans la lecture de ce jour. En grec, c’est « l’agapé », l’amour désintéressé, qui se donne sans attendre de réponse, gratuitement, plus fort que l’amitié. Finalement « Agapé » est un nom qui convient bien à Dieu : car Dieu est amour. Paul a des paroles fortes : sans cet amour, je ne suis « qu’un cuivre qui résonne, qu’une cymbale retentissante ». Si je fais des choses extraordinaires pour les autres ou pour l’Eglise sans amour, cela ne vaut rien. L’amour vécu est le premier critère de la valeur d’une personne.
Les fiancés qui préparent leur mariage l’ont bien compris. D’après ma petite expérience, un bon tiers d’entre eux choisissent ce texte de Paul comme lecture de la Parole de Dieu pour la célébration de leur mariage. Beaucoup ne voient dans ce texte que la verbalisation des sentiments qu’ils éprouvent pour l’être qu’ils aiment. Ce n’est déjà pas si mal, même si cela n’est pas suffisant. L’amour n’est pas seulement une histoire de sentiment.
Saint Vincent de Paul l’a bien compris. Dans ses écrits, il a fait la distinction entre amour affectif et amour effectif. Celles et ceux qui parmi nous connaissent bien la pensée de Saint Vincent reconnaitront dans mes propos, les mots que je lui ai empruntés dans certaines de ses conférences ou entretiens.
L’amour affectif, c’est l’amour qu’une mère ou un père ressent pour son petit enfant, un amour plein de tendresse. Ses parents jouent avec lui, le caressent, le couvrent de bisous, s’extasient devant ses sourires et ses bégaiements, s’inquiètent au moindre signe de malaise.
L’amour affectif, c’est l’amour de nos jeunes fiancés. L’un est tout pour l’autre et vice versa. Leurs cinq sens sont continuellement sollicités pour l’être aimé. Ils ne pensent qu’à se regarder, se toucher, s’écouter, se sentir, se goûter. Leurs pensées sont continuellement tournées l’un vers l’autre. Ils supportent mal la séparation et sont tout à la joie de se retrouver. Ils sont fusionnels.
L’amour affectif n’est pas réservé aux relations entre parents et jeunes enfants ou entre amoureux. On peut ressentir envers Dieu un véritable amour affectif. Peut-être vous est-il déjà arrivé, durant un temps d’oraison ou lors d’un sacrement, de ressentir une joie extrême, une présence intime avec Notre Seigneur, de souhaiter que cette relation privilégiée ne s’arrête jamais. A part peut-être pour quelques mystiques, ces instants de félicité, ne durent guère et l’on peut rester de longues années dans le regret de cet amour envolé et souvent jamais retrouvé.
Passons maintenant de l’amour affectif à l’amour effectif.
Les enfants grandissent. Au cours des années ils prennent de l’assurance, de l’indépendance et finiront par quitter le nid familial. Leurs parents les aiment-ils moins que lorsqu’ils étaient encore dans leur petite enfance ? Certainement pas ! Les caresses, les bisous, les gestes d’affection se rarifient mais sont remplacés par des conseils, par une transmission de savoirs, par des aides matérielles ou financières. C’est de l’amour effectif.
Nos jeunes fiancés qui s’aiment passionnément vont eux aussi vieillir, leurs cinq sens seront moins mis en action, la fusion qui les animait va s’étioler. Certains d’entre eux découvrant cet état de fait vont se séparer et essayer de retrouver la passion amoureuse auprès d’une ou d’un nouveau partenaire. D’autres au contraire trouveront dans leur amour affectif, peut-être diminué, la force d’agir ensemble en construisant des projets communs, et de se mettre au service l’un de l’autre. N’est-ce pas l’amour qui pousse tel mari à visiter régulièrement son épouse en secteur Alzheimer de l’Ehpad alors que celle-ci ne le reconnait plus ? N’est-ce pas de l’amour qui pousse telle épouse à soigner son mari alité et devenu bougon ? Ces exemples sont extrêmes mais illustrent bien l’amour effectif auquel sont appelés tous les couples.
Dans notre relation à Dieu, nous sommes également invités à passer de l’amour affectif à l’amour effectif.
Saint Paul nous a écrit : « Quand j’étais petit enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant. Maintenant que je suis un homme, j’ai dépassé ce qui était propre à l’enfant ».
L’amour que beaucoup d’enfants portent à Dieu, à Jésus, est sincère et admirable. C’est de l’amour principalement affectif. A l’adolescence, devant toutes les sollicitudes que doivent gérer filles et garçons, cet amour affectif peut diminuer et même disparaitre. Il n’est pas facile de passer d’une foi d’enfant à une foi d’adulte.
L’amour affectif que l’on peut ressentir pour Dieu, devient suspect et illusoire s’il ne nous amène pas à transformer nos cœurs et à agir. Agir pour Dieu, c’est agir pour nos frères et en particulier les plus pauvres.
Notre foi est vaine si elle ne produit pas d’effet.
Notre espérance est stérile si elle n’a pas l’amour de Dieu comme but ultime.
« Ce qui demeure aujourd’hui, c’est la foi, l’espérance et la charité ; mais la plus grande des trois c’est la charité ». Autrement dit : c’est l’Amour.
Alors oui, aujourd’hui osons demander pour nous et pour nos frères et sœurs ce don de l’Amour.