Petit rappel historique du Berceau
Que s’est-il passé entre le décès de Saint Vincent de Paul, le 27 septembre 1660 et la création du Berceau le 24 avril 1864 ?
Devant la prodigieuse destinée de ce fils de paysan, on comprend que son village natal, fier de lui, ait gardé son souvenir et lui ait voué un culte. Selon le témoignage des anciens, dès 1706 :
« Feu le curé de Pouy (Monsieur Lostalot, curé de 1665 à 1701) fit planter une croix à la place où naquit Monsieur Vincent et dressa quelques temps après un oratoire au lieu et place de la chambre où Vincent était né. Les processions qui vont à Buglose s’y arrêtent pour prier Dieu afin de marquer la vénération que les gens ont pour la mémoire de Monsieur Vincent.»
C’est seulement après la béatification de Saint Vincent de Paul le 21 août 1729 qu’il est possible d’y célébrer la messe et l’oratoire devient Chapelle, sans doute des plus modestes, mais une vraie chapelle du Bienheureux Vincent. Nous en avons l’acte d’inauguration :
« Après avoir obtenu la permission de Monseigneur d’Arboucave, évêque d’Acqs, Monsieur Mauriol, Supérieur des Prêtres de la Congrégation de la Mission de la maison de Buglose, curé de Pouy sur Acqs, peut bénir la chapelle le 30 mai 1730, suivi et accompagné des habitants en procession, de l’église du Pouy à la-dite Chapelle.»
La Canonisation de Saint Vincent de Paul suit de près, le 16 juin 1737. Des legs et des dons sont faits pour les réparations, pour des messes et pour la reconstruction de cette Chapelle afin « qu’elle soit mise dans la décence convenable.
Cette Chapelle fut rebâtie par Monsieur de Vignes, bénie à la fin de l’année 1741 et subsista jusqu’à la fin de 1851, soit un siècle. Elle se situait à une vingtaine de mètres de l’Oratoire. Pour honorer le « Grand Saint du Grand Siècle« , on pensa à une Oeuvre plus vaste et plus complète.
En 1821 déjà, Jean Ducros, maire de Saint-Pandelon, chargé par le préfet des Landes, François de Nugent, de dresser un compte-rendu des monuments de sa circonscription, signalait l’absence de tout monument « au lieu de la naissance de Saint Vincent, la plus grande gloire des Landes« .
En 1824, Monsieur de Puységur, nouveau préfet, afin de combler cette lacune, ouvrit une souscription nationale. Monseigneur l’Évêque recommanda le projet à son diocèse. Louis XVIII s’y inscrivit en tête. Son Altesse Royale Madame la Duchesse de Berry accepta le titre de Fondatrice de l’Œuvre.
En 1828, les dons s’élevaient à 30 000 francs. On décida donc…
• l’agrandissement et la reconstruction en style monumental de la Chapelle.
• la fondation d’un Hospice confié aux Sœurs et destiné aux incurables. Il n’en existait encore aucun dans le département.
De toutes les communes les dons affluaient et en 1830 on disposait de 52 395 francs. Or, une Révolution éclatait à Paris… En août 1831, le nouveau préfet expose devant la commission l’impossibilité, vu l’insuffisance des souscripteurs, d’ériger le monument de Saint Vincent de Paul sur les plans projetés et l’obligation de donner aux fonds recueillis une destination conforme à l’intention des donateurs.
Considérant ensuite le malheur qui pesait sur la Chalosse, où la grêle avait jeté la désolation et la misère, Monsieur le préfet conclut :
• à l’érection d’un obélisque sur le lieu de la naissance de Saint Vincent
• à l’établissement d’une route départementale entre Mugron et Souprosse au moyen de 20 000 francs pris sur les fonds de la commission, « ce travail devant glorifier Saint Vincent en procurant de l’ouvrage à de pauvres ouvriers qui en manquaient« .
En 1838, le Conseil d’arrondissement de Dax et le sous-préfet décident de reprendre l’ancien projet. Le 13 juillet 1841, Édouard Delamare, nouveau préfet, entreprend d’établir sur le site une maison d’enfants trouvés. Il écrivait en ce sens à François de Borda, et le nomma membre de la commission du bâtiment, mais il n’eut pas le bonheur de voir cette réalisation : il mourait le 22 septembre de cette même année. Le 27, après un vote favorable du Conseil Général des Landes, madame Marie Nougaro vend au département, des terrains situés à Saint-Vincent-de-Paul, car entre-temps, en 1828, le village de Pouy avait pris le nom de son Saint Patron par ordonnance royale de Charles X. Or, sur ces terrains se trouvait la maison dite « de Saint Vincent« .
Il fallut attendre 1851 pour que Monseigneur Lanneluc posât la première pierre le 6 août en présence du préfet des Landes. Le Pape Pie IX envoya à ce projet sa Bénédiction et ses encouragements. Ce fut l’occasion d’une solennité grandiose, magnifique journée pour le village, un des premiers grands pèlerinages landais au Berceau.
Monsieur Truquet, supérieur des Lazaristes à Dax, bien secondé par Monsieur Étienne, Supérieur Général des Prêtres de la Mission et des Filles de la Charité, obtint de l’Empereur Napoléon III, après une entrevue à Biarritz, l’autorisation d’organiser une loterie. Les sommes récoltées permirent l’édification de la Chapelle et la construction de l’Hospice. Les travaux s’achevèrent en 1864.
Naissance de l’Œuvre du Berceau
Il faut attendre 1864 et 1865 pour que le Berceau devienne officiel, légal, reconnu et autorisé. D’abord sa Fondation le 24 avril 1864, sous le nom d’Œuvre du Berceau de Saint Vincent de Paul dont le but est de « recueillir, entretenir et soigner gratuitement les vieillards ou infirmes indigents et les orphelins pauvres des deux sexes« et « d’honorer le lieu de naissance de cet Apôtre de la charité, en groupant autour de son berceau, une sorte de représentation de ses principales fondations, à savoir : les Lazaristes, les Filles de la Charité, les asiles pour orphelins et pour vieillards« .
Puis le 21 octobre 1865, le décret de Napoléon III, dans son article premier, reconnaît « comme Établissement d’Utilité Publique » l’Institution de L’Œuvre du Berceau.
À l’origine
• Article 8 : « l’Œuvre est administrée, sous la surveillance de monsieur le Préfet des Landes, qui prend la qualité de Président d’honneur, et de Monsieur le Sous-Préfet de Dax, qui prend celle de Vice-Président d’honneur, par un Conseil de douze membres qui sont nommés par Monsieur le Préfet sur la présentation de Monseigneur l’Evêque d’Aire et de Dax ».
• Article 10 : « le Conseil est chargé de la gestion morale et matérielle de l’Œuvre ».
De nos Jours
Les statuts ont été modifiés le 11 janvier 2008.
• Article 1 : « l’Œuvre du Berceau de Saint Vincent de Paul a pour but d’honorer la mémoire de cet Apôtre de la charité Chrétienne en menant, au lieu où il est né, des actions inspirées par son message et destinées à perpétuer son souvenir ».
• Article 3 : « La Fondation est administrée par un Conseil composé de douze membres répartis en trois collèges de quatre membres chacun :
– Collège des Fondateurs (Pères et Sœurs)
– Collège des membres de droit (Évêque, Préfet, Maire, Recteur de l’Institut Catholique de Toulouse)
– Collège des personnes qualifiées. »• Article 5 : « Le Conseil d’Administration, nomme autour du Président, un bureau composé d’un Vice-Président, d’un Trésorier, un Secrétaire. Ses actions s’exercent dans le domaine social, sanitaire, culturel, caritatif, éducatif ainsi que dans le domaine de la communication et de l’information ».
Les différentes composantes de l’Œuvre
Fidèles à l’esprit de la Fondation, qui donc vit et travaille aujourd’hui au Berceau ?
• Les Filles de la Charité
Elles sont présentes avec une Communauté de six Sœurs « actives » et quelques autres, retraitées. Petit à petit elles ont passé le témoin à des laïcs pour s’occuper de la Maison de Retraite. Néanmoins dans chaque service, l’une d’entre elles est restée comme animatrice bénévole pour prêter attention à chaque résident afin qu’il trouve ou retrouve paix et sérénité et se sente aimé, comme le disait Monsieur Vincent. Les Filles de la Charité sont donc très à l’écoute des personnes âgées. Elles participent aussi à l’accueil de tous ceux qui viennent pour vivre quelques jours de réflexion ou de retraite spirituelle dans ce petit coin de paradis.
• Les Pères Lazaristes
Ils perpétuent à leur manière la présence vincentienne. Ils ont quitté l’École Apostolique en 1970, non sans peine et arrachement du cœur ! À ce moment-là, la maison du « Hillon » fut aménagée pour cinq ou six prêtres de la Mission. Bon an, mal an, ils sont toujours là, aumôniers chargés de transmettre le message de Monsieur Vincent auprès des résidents de la Maison de Retraite, des jeunes de l’Ensemble Scolaire et aussi au service des pèlerins et des paroisses environnantes.
• la Maison de Retraite
Dans la continuité historique de la Fondation, elle s’inscrit dans la démarche de la politique gérontologique et de ses réseaux. Elle s’ouvre en priorité à la population landaise et cherche à garantir à toute personne dépendante les meilleures conditions de vie, d’accompagnement et de soin. Elle se veut ainsi fidèle à l’esprit vincentien, attentif au respect de la personne, à l’écoute, à l’attention au démuni, à la recherche de son bien-être. Actuellement elle accueille quatre-vingt-cinq résidents et deux accueils temporaires.
• L’Ensemble Scolaire
Dès 1864, L’École pour des enfants orphelins ou déshérités avait justifié la création de l’Œuvre, associée à l’Hospice pour personnes âgées. En 1872, on ouvrit, pour les enfants confiés aux Sœurs une École Secondaire qui deviendra École Apostolique, petit séminaire propre à la Congrégation, et une École Professionnelle. De nos jours, six cents élèves sont scolarisés de la maternelle aux classes de baccalauréat professionnel. L’une de ses spécificités réside dans un internat important de plus de deux cent cinquante enfants et ce, dès le primaire.
• L’Accueil
L’année du quatrième centenaire de la naissance de Saint Vincent amorce un tournant dans la vie du Berceau. C’est l’ouverture du Centre Vincentien : l’Œuvre du Berceau, la Compagnie des Filles de la Charité et la Congrégation de la Mission tiennent concile et décident de créer un lieu d’animation et d’accueil pour les pèlerins et les touristes. Que d’échanges forts, denses et approfondis naissent de ce lieu privilégié !
• La Famille Vincentienne
Les pèlerinages organisés ou les journées de réflexion, il faut bien l’avouer, sont de plus en plus l’apanage des mouvements qui gravitent autour du Saint fondateur : Conférenciers de Saint Vincent de Paul, membres de la Société de Saint Vincent de Paul, disciples de Frédéric Ozanam, membres des œuvres françaises de Saint Vincent de Paul, Jeunesse Mariale, Équipes Saint Vincent, les jeunes du mouvement Misevi, Pères Lazaristes, Filles de la Charité… Ils organisent tous des pèlerinages pour leurs confrères ou leurs adhérents.
Il ne nous reste plus qu’à vous dire le mot évangélique : « venez et voyez » et vous serez conquis par l’esprit qui y règne !
Texte de Jean-Pierre Béïs d’après sa publication dans les cahiers de la Société de Borda.